De Février 2007 à Mai 2016 l’association AIDE AUX PROFS a publié la rubrique « Carrière » renommée en 2008 « Seconde Carrière » sur le Café Pédagogique.
Ces rubriques ont quelque peu vieilli et méritaient d’être actualisées.
De juillet 2016 à novembre 2024, le Café Pédagogique les avait placées dans ses archives, retirant le lien qui y conduisait depuis sa page d’accueil, ce qui a conduit certains acteurs peu scrupuleux à s’en inspirer pour leurs sites web et pour des publications à compte d'auteur qui ne mentionnent aucune source bibliographique ni sitographique contrairement aux usages en vigueur relatifs aux lois sur les droits d’auteurs et de propriété intellectuelle. L'essor de l'IA tous azimuts empire les choses.
De 2007 à 2016, AIDE AUX PROFS a publié sur le web l’équivalent de 1.200 pages A4 sur le Café Pédagogique, et plus de 7.500 articles de 1.500 à 5.000 caractères depuis 2006 sur nos sites web associatifs. Nous avons inspiré toute une génération de professeurs depuis 2 décennies. Nous avons toujours cité nos sources en bibliographie et sitographie dans nos ouvrages et sur nos sites.
L’actualisation en Janvier-Février 2025 des 87 rubriques publiées sur le Café Pédagogique de Février 2007 à Mai 2016 est destinée à vous prouver qu’il y a autre chose « Après Prof ». La rubrique "Seconde Carrière" reprendra en mars 2025 à la suite de cette actualisation massive pour servir d'information fiable et récente au plus grand nombre. Nous citerons toujours les ouvrages que nous utilisons, ou les sites web que nous recommandons.
Tous droits réservés: tout emprunt doit obligatoirement citer le Café Pédagogique, qui nous a donné cette chance de 2006 à 2016 de diffuser massivement cette rubrique, et doit citer notre association AIDE AUX PROFS avec son url (aideauxprofs.fr).
ACTUALISATION 2025 DE LA RUBRIQUE CARRIERE n°92 D'AVRIL 2008
par Rémi Boyer de l’association AIDE AUX PROFS
Seconde carrière : du professorat à l'entreprise
Ce mois-là, nous avions choisi de présenter deux parcours de professeurs marqués par le goût d’entreprendre, pour donner corps à leurs envies, à leurs idées, en gérant leur temps à leur guise.
- Nicole, dans le même esprit, a créé deux cabinets pour s’investir à la fois dans l’orthophonie et dans le life coaching. Leurs parcours sont séduisants et motivants : ils sont le reflet des compétences qu’ils sont su acquérir et transférer.
Les actions menées par l'association AIDE AUX PROFS début 2008
Pour illustrer ce mois-là les témoignages très riches de Jean-Luc et de Nicole, l’association AIDE AUX PROFS tenait à s’exprimer sur l’un des axes prioritaires de son action, afin, justement, de changer cet état d’esprit : changer de métier, c’est suivre son instinct, ses envies, son désir d’une nouvelle aventure personnelle et professionnelle, et ce que l’on attend des autres, c’est d’y être aidé, accompagné, soutenu, pas d’être culpabilisé…
Vouloir quitter l’enseignement, ce n’est pas « faire acte de traîtrise » comme le répètent souvent, culpabilisateurs, les IEN et les IA-IPR, mais avoir envie de suivre un autre chemin…et après la vie de professeur, non, il n’y a pas que le métier d’inspecteur ou de chef d’établissement, même si ce sont les voies professionnelles privilégiées qui leur sont conseillées, et qui permettront au professeur de conserver sa sécurité de l’emploi, sa progression indiciaire, et d’accéder à d’autres responsabilités administratives qui l’éloigneront lui aussi, comme il le souhaite, de l’enseignement « pur et dur ».
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Point 2025:
La force de notre dispositif est d'avoir minutieusement suivi l'évolution des politiques de l'Education nationale depuis juillet 2006 pour examiner ce que ce système mettait en place pour les secondes carrières des enseignants. Autant dire que le système s'est mis en marche très lentement, comme contraint et forcé, pas motivé du tout.
Depuis 2012 l'Education nationale a acheté des "méthodes de bilans de compétences" à des sociétés privées, et il faut savoir que ce ne sont pas de réels bilans de compétences. Ce sont des bilans dont le résultat dit "personnalisé" apporte au professeur des paragraphes déjà pré-enregistrés dans le logiciel sur lequel il coche des cases pour déterminer son profil et ses envies.
L'Education nationale est allée jusqu'à "personnaliser" les résultats en fonction de ses envies, et cela donne dans 90% des cas:
- "vous feriez un très bon chef d'établissement"
- "...et inspecteur, ça vous dirait ?"
- "vous pourriez devenir Secrétaire Général de Collège/de Lycée" (les services DGRH ont juste renommé "Agent comptable" en "Secrétaire Général". Le métier est le même, l'appellation paraît plus attractive. Ceux qui expérimenteront cette évolution s'en apercevront très vite.
- "vous pourriez changer de discipline... ou de niveau..."
Dans 90% des cas, l'Education nationale fera tout pour garder le professeur dans le système. Les cas restants sont les professeurs en CLM et CLD dont le système ne sait pas quoi faire, les conduisant vers la disponibilité d'office, le reclassement en catégorie C ou B, ou la retraite pour invalidité.
Le pire, c'est que l'Education nationale forme des Conseillers Mobilité Carrière (CMC) pour participer à cette mascarade, des CMC qui ont juste pour mission de décourager le professeur de partir. Et ceux qui occupent la place de CMC, trop contents s'ils étaient profs avant, "d'avoir trouvé une planque", préfèrent se soumettre à leur hiérarchie intransigeante, que de prendre le risque de retourner devant les élèves.
Inutile de compter sur l'Education nationale pour t'aider à créer ton cumul d'activité et encore moins à retrouver un emploi dans le privé, ni à créer ta micro-entreprise ! Ce n'est pas dans leurs objectifs et pas dans leurs champs de compétences.
De 2007 à 2016, tous les CMC que nous avons rencontrés (les appellations ont varié au fil des ans) nous ont dit avoir été écoeurés de la manière dont ils étaient gérés, et de l'impossibilité d'accomplir correctement leurs missions. Une partie a démissionné, d'autres sont retournés dans le ministère d'où ils venaient. Il y a un fort turn-over dans les Ressources Humaines de ce système, où chacun est juste un outil d'une politique d'enfermement. Beaucoup d'IEN et d'IA-IPR disent toujours qu'un prof doit rester enseigner toute sa vie. On en est encore là, 22 ans après l'article 77 promettant "des secondes carrières aux professeurs de 15 ans d'ancienneté et plus qui en feraient la demande". Si le système avait correctement fait les choses depuis le début, il aurait tenu les objectifs de Dominique DE VILLEPIN (Premier Ministre en 2006), qui était la création de 1.000 postes par an pour les secondes carrières des enseignants.
Sur 22 ans auraient dû être créées 22.000 postes.
Ce que l'Education nationale a créé, c'est surtout la possibilité de changer de niveau ou de discipline quand un professeur en a marre d'enseigner. C'est quand même révélateur...
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Le 21 février 2008, Anne BARRERE avait livré un témoignage intéressant sur le métier de chef d’établissement au rédacteur en chef du Café Pédagogique, François JARRAUD.
Si plus de 25% des chefs d’établissement dépriment…n’est-ce pas le reflet d’un engagement dans une voie professionnelle qu’on leur a désignée comme « seule issue » au métier d’enseignant ?
Georges FOTINOS, ancien Inspecteur Général de l’Education Nationale, a remis en mars 2008 une étude pour la Mutuelle Générale de l’Education Nationale sur le « moral » des directeurs d’établissements scolaires. Sur 1900 interrogés, 18% n’éprouvent aucun intérêt pour leur travail et une grande solitude, et près de la moitié déclare que son moral se dégrade…
Pour AIDE AUX PROFS, cela signifiait en 2008 que peu à peu, un malaise s’installe à tous les niveaux au sein de l’Education nationale : enseignants, chefs d’établissements… Touche-t-il aussi les services administratifs chargés de gérer les professeurs ? N’est-il pas venu ce temps de gérer de manière personnalisée les parcours de carrière, sous forme de coaching individuel, en valorisant les compétences de la personne, en anticipant ses besoins, en étant à l’écoute de son projet et en l’encourageant quel qu’il soit, afin qu’elle puisse ainsi maintenir le cap de sa motivation intrinsèque (et par conséquent celle de ses élèves) plutôt que de conserver le même mode de fonctionnement depuis des décennies, qui maintient l’enseignant au contact d’élèves, que ce soit comme transmetteur de savoirs ou comme gestionnaire d’équipes et de projets ?
N’est-il pas temps, de nouveau, de se poser la question de favoriser la pluralité des formations d’origine des chefs d’établissement, en ouvrant « encore plus grand » la porte à des professionnels du secteur privé, qui dirigeront leurs collèges et leurs lycées comme des entreprises, avec un nouveau regard, alors qu’actuellement, une partie n’ont choisi ce métier que parce qu’il leur permettait de « quitter la classe » (titre d’une thèse très intéressante de François QUINSON), mais pas les élèves, avec des facteurs de stress supplémentaires : profs, parents, sécurité des locaux et des personnes, application des nombreuses réformes ?
Consulte cette thèse de François QUINSON, ancien instituteur, que l'Education nationale a refusé d'aider pour trouver des témoignages.
Cette thèse a fait partie des travaux qui nous ont inspiré l'idée de créer une association pour informer, conseiller et accompagner ceux des professeurs qui en éprouvaient l'envie, vers une "seconde carrière".
En mars 2008, AIDE AUX PROFS se posait cette question : « comment motiver des équipes pédagogiques lorsque l’on ne ressent pas en soi de motivation intrinsèque pour son métier ? »
La question de la motivation est similaire pour le professeur qui ne croit plus en sa mission : « pourquoi persister dans un métier que l’on ne supporte plus, au risque de démotiver ou de dégoûter ses élèves de sa discipline d’enseignement ? ».
- La démotivation des uns ne serait-elle pas indirectement liée aux problèmes de discipline rencontrés ?
- Y a-t-il eu des études universitaires sur la liaison entre problèmes de discipline et découragement de l’individu pour l’acte d’enseigner ?
- Qu’attend-on pour généraliser dans les IUFM des cours de coaching comme cela se pratique de manière trop minoritaire, comme si ça n’était que des « expériences pilotes », afin d’enseigner aux jeunes professeurs les techniques d’auto-motivation, bien utiles face à des classes agitées ? Les écrits sur la motivation ne manquent pas, les occasions de les étudier non plus, comme la pyramide des besoins de MASLOW, les motivations intrinsèque et extrinsèque de DECI et RYAN.
Le projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires qu’Eric WOERTH, Ministre du Budget, des Comptes Publics et de la Fonction Publique, venait de déposer, avec une possible application dès la fin juin 2008, nous paraissait alors être la meilleure solution à cet état de fait, comme il le dit lui-même : « Ce texte n’est qu’une boîte à outils visant à développer la mobilité des fonctionnaires et à leur offrir la liberté de mener leur carrière en exprimant mieux leurs talents. Pas plus, pas moins ». Faire sauter « les verrous » de la mobilité professionnelle pour tous les fonctionnaires, y compris les enseignants, souvent les oubliés – dans la pratique - des lois et décrets précédents, nous semblait essentiel pour lever les blocages multiples qui entravent leurs carrières.
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Point 2025:
La Loi WOERTH du 3 août 2009, tout autant que la loi DUSSOPT du 6 août 2019, ont été des échecs, car les administrations n'ont pas suivi les bonnes idées des législateurs. L'Education nationale, notamment, a traîné les pieds.
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AIDE AUX PROFS a beaucoup agi depuis Février 2007 au travers de ses interviews menées pour le Café Pédagogique, pour que l’enseignant puisse quitter son métier d’enseignant en cours d’année scolaire, moyennant par exemple un préavis d’un à deux mois –pourquoi pas corrélé aux différentes périodes de congés scolaires qui égrènent l’année-, afin de pouvoir accéder à un emploi en détachement, en mise à disposition d’une autre administration, ou de pouvoir prendre une disponibilité ou de résilier son contrat pour pouvoir occuper un emploi en CDD ou en CDI sur lequel il aurait eu l’opportunité d’être recruté pour ses compétences affirmées.
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Point 2025:
Depuis 19 ans nous avons rencontré une bonne centaine de décideurs pour tenter d'obtenir cette mobilité en cours d'année scolaire: Inspecteurs généraux, DGRH, DGESCO, Conseillers de Ministres, Chefs de Cabinets et Directeurs de Cabinets de Ministres, Ministres de l'Education nationale, Conseiller Education de l'Elysée, ... rien n'y a fait. Ce fut l'une de nos plus grandes déceptions: l'impossibilité pour ces hauts fonctionnaires d'imaginer un turn-over des professeurs. Tous entretiennent cette obsession de réussir à attirer "des vocations" et de les "retenir toute leur vie", ou au moins "le plus longtemps possible".
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Nous avions alerté sur la pénibilité au travail des professeurs Titulaires d’une zone de remplacement (TZR) qui remplacent des professeurs en congé de maladie ordinaire (CMO) de courte durée.
Le « ballon d’oxygène » qu'est "la seconde carrière" manque cruellement à notre profession et permettrait d’y établir une « mobilité choisie », sans que nous en soyons culpabilisés, du fait d’un tabou qui tarde à quitter les mentalités, en introduisant une véritable « flexibilité », vecteur de remotivation, puisque l’enseignant qui souhaiterait changer de métier pour se donner de nouveaux objectifs pourrait alors expérimenter d’autres pistes, et revenir, pourquoi pas, dans l’enseignement, à tout moment de l’année, pour ré-enseigner, sa « comparaison » une fois réalisée, s’il le souhaite.
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Point 2025:
Ce discours n'a pas intéressé les hauts fonctionnaires: ils verrouillent le système, c'est tout.
Le système qui perdure en France ne le permet pas. Il faut s’y prendre bien à l’avance (avant janvier de l’année en cours) pour demander une disponibilité pour la rentrée suivante, alors qu’il est relativement difficile de savoir exactement si le projet que l’on souhaite mener sera ou non réalisable à cette date, ni si l’on sera accepté dans la formation que l’on souhaite entreprendre, ce qui freine de très nombreux projets individuels…
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Des collègues recrutés en détachement par un organisme se voient refuser cette mobilité car leur matière est « déficitaire ». Est-ce motivant de refuser à un individu la réalisation de ses objectifs ? Cela contribue-t-il à donner une bonne image de notre profession auprès des jeunes tentés par ce métier ? Faut-il par avance accepter ce risque de décourager l’individu entreprenant ? Notre pays a-t-il vocation à devenir une nation d’entrepreneurs ou de perdurer dans ses rigidités administratives ? Le XXIe siècle peut-il, au niveau du fonctionnement de nos administrations, avoir un goût de « front pionnier », pour inventer « un autre système », puisque l’actuel ne donne pas assez de satisfactions à l’individu ?
Ce qui est possible actuellement au niveau d’un TZR pour l’administration ne l’est pas pour tous les enseignants. Il est plus facile « d’entrer », mais pas de « sortir ».
Comme s’il existait de la part du « mammouth » une peur intérieure que ce métier n’attire plus, alors que c’est l’un des plus attirants de par la diversité des tâches que l’on peut y réaliser durant une vie et des publics auxquels on peut s’adresser. Un actif sur 24 est enseignant…et un français sur cinq est concerné par notre système éducatif : n’est-ce pas deux bonnes raisons d’agir, pour que chaque élève devienne un adulte motivé par des acteurs qui n’auront plus d’excuse – « que faire d’autre et comment s’y prendre ? » - pour ne pas l’être eux-mêmes ?
Aussi nous émettions le vœu pour les années à venir, puisque AIDE AUX PROFS continuerait de tracer son sillon, que ce projet de loi sur la mobilité voit le jour et permette de modifier la conception du métier de professeur : ce métier n’a pas vocation à être figé, puisque, pour enseigner à ses élèves qu’il leur faudra « être mobile s’ils veulent trouver du travail », le mieux est que chaque professeur, s’il en éprouve un jour le besoin, puisse aussi s’appliquer ce conseil à lui-même. Non, « FLEXIPROF » ne nous semblait pas une mauvaise idée, dès lors que la possibilité de revenir enseigner, même en ayant perdu son poste fixe comme cela est la règle pour la disponibilité ou le détachement, serait assurée par une organisation administrative adaptée et optimisée à cette modernisation de la « gestion des richesses humaines » et du potentiel de chacun dont peut se doter notre pays, ne serait-ce que pour anticiper un peu mieux le papy-boom, qui a « démarré » en 2006 et va nous concerner au moins jusqu’en 2050, en renouvelant près de la moitié des actifs dans de nombreuses professions.
L'étude de Anne BARRERE, Sociologue: